Culture et égalité F-H
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Sur l’égalité femmes-hommes dans le monde des arts et de la culture

CONTEXTE

Comme dans tous les endroits de la société, nous faisons le constat, depuis 2006, que la place des créatrices dans les arts et la culture est minorée (budgets, visibilité, temps et horaires de création), invisibilisée (matrimoine), celles des travailleuses limitée (plafond de verre, parois de verres et plancher collant).

La question de la place des femmes dans le monde des arts et de la culture est un sujet emblématique.

Le premier travail à effectuer pour EELV est d’évaluer concrètement ces inégalités en nous appuyant sur les outils existants voire en créer (par commune et métropole, par département et par région), afin de mettre en place un changement radical de pensée, de nous positionner concrètement sur ce que nous souhaitons pour notre société.

Les mouvements #MeToo ont révélé de graves atteintes à la dignité humaine dans tous les milieux culturels et artistiques, entre autres ceux du cinéma et de la littérature. Force est de constater que l’Art, la pensée, la création restent des domaines où la chasse est gardée et où l’universalité annoncée n’est pas atteinte. Pour exemple, les fictions dont les personnages principaux sont des femmes de plus de cinquante ans existent peu alors que les femmes de plus de cinquante ans représentent 51 % de la population active. Leur invisibilisation peut se mesurer ainsi : un rôle de femme pour 18 actrices contre trois rôles pour un acteur du même âge. Or le bénéfice individuel des droits culturels, l’accès à l’Art et à la culture concernent chacun·e, à tout âge.

En matière d’égalité, les rapports et préconisations des syndicats, du Mouvement HF, du Haut Conseil à l’Égalité et du Ministère de la culture sont trop longtemps restés lettres mortes. Ces recommandations doivent être mises en place de manière déterminée, ferme et concrète. A commencer par les directions des DRAC et à la DGCA.

PROPOSITIONS

Voici nos propositions des leviers qui permettraient de faire évoluer de manière systémique l’organisation culturelle française, dans ses institutions, ses attributions et ses usages pour celles et ceux qui la font, pour celles et ceux qui en bénéficient.  

REPRÉSENTATIVITÉ

A mesure que les salaires et/ou les responsabilités augmentent, le nombre de femmes à des postes « prestigieux » diminue. Atteindre la parité en un mandat sur tous les territoires pour tous les conseils d’administration et les postes de direction des institutions artistiques et culturelles (théâtres, médiathèques, opéras, musées et salles de concerts…) nous semble une ambition réalisable, d’autant plus que cet objectif a été lancé depuis plusieurs années par le Ministère de la Culture. Toutefois, les dernières nominations aux postes de direction des Centre Dramatiques Nationaux viennent contredire cet élan, notamment pour les grosses scènes.

Dans la même logique, l’imposition de la parité partout et tout le temps (jurys, membres de comités, invité.es de réunions publiques, festivals et concours subventionnés par l’Etat…) l’acterait aussi parmi les niches plus modestes ou discrètes.

Enfin, afin de travailler au coeur, l’égale représentation des femmes et des hommes dans les programmes des structures et des expositions (spectacles vivants, cinéma, télévision, radio, arts visuels, musique) par le biais d’objectifs chiffrés est impératif, sans surseoir à l’indépendance des programmateur·ice·s ou des élu·es si nous demandons d’instaurer dans les collectivités territoriales des bonus pour les projets portés par des femmes (ceux dont elles ont la responsabilité artistique).

Pour nous donner des appuis, nous pouvons :

Diffuser  et analyser systématiquement les statistiques de l’Observatoire de l’Egalité

Ainsi qu’exiger des bilans annuels des collectivités dans le cadre du plan d’action triennal (renforcement de la parité) en lien avec le rapport de la situation de l’égalité femmes-hommes dans la fonction publique : voir circulaire du 30 novembre 2019

D’autres outils « ressources » plus généralistes existen, en plus du Haut Conseil à l’Egalité, le mouvement HF et le Centre Hubertine Auclert, par exemple :  

« Comme  dans  le  secteur  privé,  dans  la  fonction  publique  les  femmes  sont  aussi plus touchées par la précarité que les hommes. Ainsi, quand on regarde les données selon les statuts, on note que la part des femmes est plus importante chez les non-titulaires que chez les titulaires, surtout dans la fonction publique territoriale. En effet, les femmes y représentent 58 % des titulaires pour 67 % des non-titulaires. Elles représentent 70% des contractuel·les en catégorie C. » [lien web]

BUDGETS ET EGA-CONDITIONNALITÉ

Il y a nécessité d’une égalité budgétaire et de moyens correcteurs.

En matière de nouveaux emplois, EELV évoque déjà l’éco-conditionnalité et l’accompagnement des mutations, avec changement dans le plan de formation Métiers de demain. Sur notre territoire, pratiquer l’éga-conditionnalité c’est aussi adapter des conditions qui corrigent les inégalités dans les examens et sélections (importance de jurys à parité) des projets et financements directs ou indirects. Autrement dit, inventer «  un ensemble de mesures compensatoires à l’égard des individu·e·s, groupes, voire territoires qualifié·e·s de défavorisé·e·s à l’aide d’outils appelés les actions positives ou positive actions » .

Concernant le monde des Arts et de la culture, nous pouvons instaurer le gender budgeting au ministère de la Culture – une note se trouve en annexe.

Ceci étant fait, nous pouvons alors imposer que les attributions d’aides et de subventions pour les projets soient porté·es par des hommes et par des femmes. Il nous sera d’autant plus aisé de conditionner l’attribution des aides, productions et subventions, reversements des structures au respect des bonus et quotas instaurés. Et d’accompagner les artistes issues des formations publiques dans leur accès au financement.

EDUCATION ET SAVOIRS DE TIERS-TEMPS

Il nous semble important de favoriser les relais artistiques, médiatiques et politiques auprès du grand public vers les travaux scientifiques ; en effet, la culture scientifique est un secteur d’accès sinistré pour les filles et les femmes.

En instaurant l’éducation au matrimoine à 50% dans les programmes scolaires, quelle que soit la discipline, nous préparons le regard adulte des enfants autrement, en l’élargissant aux possibles et à l’identification. Nous devons concentrer notre plan d’action, par exemple, entre autres secteurs sinistrés, auprès des écoles supérieures d’Art et d’architecture, ainsi qu’aux universités dans ces cursus, en favorisant, par exemple, l’accroche in situ d’expositions d’oeuvres d’artistes contemporaines (sculptrices, graffeuses, photographes, illustratrices, bédéistes, dessinatrices, peintresses et webartistes).

Une telle initiative peut concerner l’espace public et les commandes d’oeuvres et d’ouvrages, car l’Art (et l’art urbanistique) qui s’invite dans la rue appartient à tous et à toutes.

Il nous semble important de privilégier les créatrices et les chercheuses dans le choix des noms des rues, des établissements et ouvrages public·ques.

Il nous apparaît primordial d’acter la question de l’intersectionnalité (ou comment un·e individu·e présentant les signes de plusieurs “minorités” – sexe, classe, race mais aussi handicap et âge – va être doublement, triplement invisibilisé·e de part ces signes) et ce à tous les niveaux, des programmes de primaire, secondaire, aux études supérieures et à tous les concours. 

Dans la même idée, nous pouvons Instaurer des appels à projets spécifiques sur le matrimoine et un système de bonus aux projets mettant en avant des femmes.

Si les puissances publique, médiatique et politique instaurent un véritable mouvement d’égalité réelle entre les femmes et les hommes, nous ne doutons pas que ce changement radical de société influera aussi sur les structures et groupes non-institutionnalisé·es, notamment des secteurs privés. En effet le mouvement H/F a trop souvent fait le constat que la proportion du nombre de femmes artistes et/ou créatrices, dans les groupes non-institutionnalisés, y est inversement proportionnelle aux domaines public, médiatique et politique. En nous appuyant sur des données chiffrées, nous pouvons restaurer un équilibre. En travaillant au coeur du système éducatif, au coeur des institutions, nous pouvons changer le regard, grâce, notamment, à la formation et à la pédagogie.

Cette note de cadrage est issue de la motion « soins de la culture, culture du soin » et des trois webinaires qui se sont tenus par visioconférence en compagnie d’expertes, en décembre 2020 et janvier 2021, et qui étaient co-organisés par les commissions « culture(s) » et « féminisme » d’EELV.


ANNEXE

Note sur le Gender Budgeting 

Développé pour la première fois en 1997 par les Nations Unies, le gender budgeting (ou budgétisation sexospécifique) consiste à prendre en compte explicitement l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes dans le processus budgétaire. Il implique d’adopter une perspective de genre à différentes étapes du processus budgétaire, et d’analyser les conséquences directes et indirectes de dépenses et de recettes publiques sur la situation respective des femmes et des hommes. Le gender budgeting peut être mis en œuvre en examinant séparément, dispositif par dispositif, les conséquences par sexe des mesures budgétaires.
Tel que défini pour la première fois par le Conseil de l’Europe en 2005, il se réfère à l’application des objectifs d’égalité des sexes dans le processus budgétaire. À la différence des politiques ciblées sur la réduction des inégalités des sexes, le gender budgeting consiste à expliciter les effets sur l’égalité femmes-hommes des actions de l’État prises à travers la programmation budgétaire. Différentes mesures sont concernées par le gender budgeting :


1) Mesures fiscales et budgétaires qui s’appliquent de manière ciblée (aides sociales et subventions), 2) Mesures réglementaires (ex : salaires équivalents, quotas au sein d’organismes décisionnaires). 

Ex : 75 % des budgets dédiés à la jeunesse dans les communes de Blanquefort, Floirac et Cenon, en Gironde, bénéficiait à des garçons âgés de 8 à 20 ans, compte tenu de leur participation à des activités sportives ou à des centres de loisirs (étude menée entre 2009 et 2012 par des sociologues). 

Très peu de communes réalisent leur rapport annuel, pourtant obligatoire, sur l’égalité femmes-hommes en amont des débats d’orientation budgétaire. Celui-ci est censé détailler la gestion des ressources humaines à l’échelle de la collectivité et faire état de ses actions en faveur de l’égalité. Ceci ‘explique par le manque d’outils méthodologiques et de formation ainsi que le faible appui politique. 

L’article d’Atlantico (cf sources en fin de notes) montre par la négative que le gender budgeting est un outil objectif qui permet de faire une analyse quantitative des politiques publiques qui permet de protéger les élu.es pour leurs choix tout en leur imposant de regarder leurs choix par le prisme du genre. Il faut bien être conscient que ce n’est qu’un outil et qu’une analyse qualitative peut compléter ce mode de calcul. Le gender budgeting est une analyse du monde tel qu’il est aujourd’hui, c’est à dire binaire (les hommes viriles, les femmes féminines), il doit donc se coupler avec un travail de pédagogie pour changer les choses du le long terme. 

« Dans une ville de Haute-Garonne, les hommes représentent 60 % des licencié-e-s de clubs sportifs. Ils bénéficient [cependant] de 73 % des subventions. La municipalité accorde 22,70 euros par homme inscrit dans une association sportive contre 12,90 euros par femme », souligne le centre Hubertine Auclert, organisme francilien de ressources pour l’égalité femmes-hommes. 

De manière générale, les premiers sports subventionnés sont ceux “des hommes”, où plus de 80 % des usagers sont masculins : les boulodromes, les skate parcs, les city stades. Inversement, les espaces sportifs de pratique majoritairement féminine, comme les centres d’équitation, sont rarement financés par la puissance publique. » 

En 2012, le conseil municipal de Suresnes a décidé d’ajouter une demi-part aux chefs de familles monoparentales. «Nous nous sommes aperçus qu’au même niveau de revenu, les familles monoparentales payaient plus cher [que les familles avec deux parents] pour les services proposés par la ville », explique Gunilla Westerberg-Dupuy, adjointe au maire de Suresnes, déléguée à la solidarité, à l’égalité des chances, aux droits des femmes. 

Il s’agit bien d’une mesure visant à réduire les inégalités femmes-hommes. 85 % des familles monoparentales sont constituées de mères avec enfants. 

Une vidéo intéressante, surtout à 2’48 : 

https://www.pop-up-urbain.com/emissions/fenetre-sur-la-ville-budgets-genres-comment-reduire- les-inegalites-femmes-hommes-en-ville/

Où dans les pays nordiques, on a décidé de déblayer les trottoirs avant de déblayer les routes car les femmes font plus de marche à pied que les hommes. Les questions féministes rejoignent les questions écologistes. 

Le gender budgeting propose une solution différente : il ne vise pas à une répartition budgétaire ou numérique 50-50 ou à favoriser tout simplement les femmes du fait de leur condition de femmes, mais à renforcer l’égalité entre femmes et hommes, et optimiser le degré d’économie, d’efficacité, d’efficience et d’équité des finances publiques par la prise en compte de la dimension de genre dans les politiques, mesures et actions des autorités publiques via une analyse budgétaire destinées à accroître leur efficacité. C’est un instrument permettant d’arriver à des finances publiques (recettes et dépenses) tenant compte des besoins et des attentes des femmes comme des hommes sur un pied d’égalité. 

Mise en Œuvre :
Ce n’est qu’une stratégie à long terme visant à atteindre cet objectif de renforcer l’égalité entre hommes et femmes (et non une approche visant à favoriser les femmes au détriment des hommes). 

L’Échelle (procédure pour la durabilité de l’approche intégrée de l’égalité entre les hommes et les femmes, présentation au Conseil de l’Europe, 2007). Ce sont 8 échelons représentant une procédure à mettre en place. 

  • Échelon 1 : Compréhension fondamentale : le personnel est formé aux questions d’égalité entre les femmes et les hommes et en particulier à la politique nationale sur l’égalité entre les femmes et les hommes ; 
  • Échelon 2 : Examen des conditions : cette étape peut être assimilée à un exercice dans lequel le personnel étudierait les caractéristiques d’une organisation pratiquant l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que les avantages d’une telle approche pour le fonctionnement de l’organisation et les groupes cibles dont elle s’occupe ; 
  • Échelon 3 : Planification et organisation : cette tâche incombe aux cadres supérieurs. Elle consiste en la mise en place d’une stratégie assortie d’objectifs clairement définis et de garde-fous appropriés ; 
  • Échelon 4 : Inventaire : il s’agit ici de faire le bilan des activités de l’organisation et de prendre des décisions concernant les points à améliorer ; 
  • Échelon 5 : Enquêtes et analyses : les résultats de l’inventaire servent de base à une analyse des questions d’égalité entre les femmes et les hommes dans les activités de l’organisation ; 
  • Échelon 6 : Formulation d’objectifs et de mesures : l’organisation prépare un plan d’action en formulant des objectifs, indicateurs et mesures permettant de pratiquer l’égalité entre les femmes et les hommes dans les activités ; 
  • Échelon 7 : Mise en œuvre des mesures : l’organisation met en œuvre les mesures requises pour réaliser l’égalité entre les femmes et les hommes dans ses activités ; 
  • Échelon 8 : Évaluation des résultats : un processus d’évaluation est entrepris pour examiner les résultats obtenus, les enseignements qui en ont été tirés, les difficultés rencontrées, les points à améliorer, etc. 

Le Test gender, outil de définition des lignes directrices 

5 questions générales, grâce auxquelles on va pouvoir définir son projet :