La Philharmonie, nouvelle gabegie (Tribune de Danielle Fournier, coprésidente du groupe des élu/es EELV de Paris)
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Alors qu’un rapport du sénateur (UMP) Yann Gaillard pointe la dérive financière du projet de salle dédiée à la musique classique à La Villette, Danielle Fournier, coprésidente du groupe Europe Ecologie Les Verts au Conseil de Paris, plaide pour une politique culturelle de proximité.


Décidément, à Paris, cette deuxième mandature se distingue par plusieurs dérives budgétaires inquiétantes. En ce en pleine crise de la dette publique.

En matière d’urbanisme, la rénovation des Halles se distingue par la bientôt célèbre Canopée : un toit pharaonique en plein cœur de Paris, estimé au départ à 120 millions d’euros, qui coûtera au final à la Ville près du double, sans que son intérêt soit pour l’heure expliqué. Dans le domaine sportif, la reconstruction du stade de rugby de Jean-Bouin coûte près de 200 millions d’euros. Quant à la politique culturelle, elle sera désormais marquée par la Philharmonie.

Le sénateur UMP Yann Gaillard –que l’on ne soupçonnera pas d’antisarkozysme– a rendu public le 22 octobre un bilan financier accablant pour le projet culturel lancé par le précédent gouvernement, qui a bénéficié du soutien sans réserves de notre municipalité. La salle Philharmonique, grand équipement prestigieux prévu à la Villette pour accueillir une grande salle de concert dédiée à la musique symphonique, tourne au gouffre financier : l’addition, annoncée à 170 millions d’euros lors de la commande, avoisine désormais les 400 millions. Cette dérive est d’autant plus grave que l’utilité du projet n’est toujours pas démontrée : comme les écologistes l’ont déjà maintes fois répété en Conseil de Paris, créer cette grande salle spécialisée à côté de la Cité de la Musique relève davantage du rêve mégalo que du souci de favoriser la pratique culturelle à Paris. La capitale compte déjà au moins deux salles dédiées en partie à la musique symphonique : le nouvel auditorium de Radio France et le théâtre des Champs-Élysées ; par ailleurs d’autres salles proposent en partie une programmation musicale classique ou lyrique : le théâtre du Châtelet, l’opéra Bastille, l’opéra Garnier, l’opéra Comique, la salle Gaveau, ou encore la salle Pleyel… Les capacités d’accueil dans ces équipements fluctuent entre 1000 et 2000 spectateurs, ce qui est tout à fait raisonnable pour recevoir des concerts internationaux de musique classique.

Parmi les autres points noirs de ce projet, le rapport du Sénat stigmatise une gouvernance défaillante et un calendrier retardé de 24 mois. Le maire n’aura même pas l’opportunité d’inaugurer en fonction ce chantier, qui aurait pourtant dû émerger dès cette année.

Pour les écologistes, le projet est d’autant plus contestable qu’il a été présenté –à tort– comme un projet métropolitain. Une fois de plus, comme pour l’extension du tournoi de Roland-Garros, Paris promeut la métropole dans son discours mais continue dans les faits d’accaparer les projets de prestige sur son propre territoire.

Plus grave, cette politique se mène au détriment des associations culturelles de terrain, touchant un large public de proximité, qui elles subissent de sérieux tassements dans leurs subventions, voire des coupes « pour raisons budgétaires ». Le Lavoir moderne parisien (LMP), lieu emblématique de la scène artistique du XVIIIe arrondissement, en a subi l’amère conséquence en avril dernier. Trop peu soutenu par la Ville, il a mis la clé sous la porte. La Ville rechignait depuis plusieurs années à lui accorder 40 000 euros par an.