Politique éducative : créer et se cultiver tout au long de la vie
#Mots clés : Massification de l’éducation artistique et culturelle, pratiques amateurs et généralisation des pratiques artistiques tout au long de la vie, chèque pratique artistique, service civique artistique
Toute politique écologique doit s’accompagner d’une politique culturelle ambitieuse : la réalisation de soi par la culture et la pratique artistique doit se substituer progressivement à la vacuité d’une toujours plus grande opulence matérielle.
Dans le monde de demain, la création artistique doit être porteuse d’inclusion sociale, être source d’émancipation personnelle, garantir une participation active de toutes et tous à la vie culturelle.
La relation avec la création artistique doit s’entendre sous la forme d’un parcours personnel où, tout au long de sa vie, on peut être acteur·trice ou spectateur·trice, amateur ou professionnel·le, naviguant entre les esthétiques, alternant les supports.
Un parcours réussi doit commencer le plus tôt possible (dès la crèche !), via une massification de l’éducation artistique et culturelle et un soutien à la pratique amateur. Une participation active dès le plus jeune âge vient nourrir les goûts pour des expressions artistiques inédites et forme les publics de demain : la culture repose fondamentalement sur la formation et l’éducation.
Mais la jeunesse ne peut être l’alpha et l’oméga d’une politique éducative et culturelle d’envergure : elle doit s’adresser aux jeunes et aux adultes, aux futurs créateur·trices, ainsi qu’aux personnes pratiquant leur art en amateur.
Une politique éducative et culturelle ambitieuse doit permettre à toutes et tous, dans les meilleures conditions possibles, et à tous les âges de la vie, de pratiquer et découvrir une ou plusieurs activités artistiques !
Pour autant, les pratiques professionnelles et amateures n’ont pas à être opposées : elles sont totalement complémentaires et leurs frontières encadrées par le droit.
Près de 40% des français déclarent pratiquer une activité artistique – spectacle vivant, écriture, arts plastiques, photographie… – en amateur. En croissance depuis les années 1970, ces pratiques s’essoufflent néanmoins depuis une vingtaine d’années. Malgré la réduction de certains écarts, elles restent moins fréquentes dans les catégories sociales populaires et beaucoup plus prépondérantes auprès des personnes diplômées du supérieur. Un net décrochage est marqué chez les jeunes, notamment en musique, dont la pratique devient progressivement l’apanage d’une minorité.
Le développement et la généralisation de dispositifs pour encourager la pratique artistique s’avèrent primordial. Ils doivent s’appliquer dès le plus jeune âge via la massification de l’éducation artistique et culturelle (EAC), en partenariat étroit avec l’éducation nationale. S’inscrivant dans une logique de parcours, ils doivent dépasser les phénomènes d’autocensure et tordre l’idée que les pratiques artistiques sont réservées aux classes privilégiées.
Propositions
Nous proposons une action EAC par écolier et collégien·ne par an. Dans le secondaire, l’EAC est très inégale. Il y a une réelle fracture entre établissements urbains, périurbains et ruraux. Il est plus difficile pour ces derniers d’attirer de nouveaux artistes dans leurs murs ou d’établir des partenariats avec des structures culturelles. Il serait intéressant d’encourager les collèges à investir, soit pour attirer des artistes, soit pour organiser des sorties et des voyages scolaires à destination de lieux culturels et artistiques plus éloignés de leur bassin de vie, afin d’offrir à leurs élèves une diversité dans leurs découvertes culturelles et artistiques.
La pratique artistique est pour partie liée à un réseau d’écoles d’art ou de conservatoires, dépendant des différentes collectivités territoriales et/ou de l’État. Des actions spécifiques sont nécessaires pour les rendre plus accessibles. Le premier levier est l’augmentation des subventions de l’Etat aux établissements agréés en vue d’augmenter l’offre éducative, l’embauche de professeurs supplémentaires, le financement d’interventions d’artistes professionnels au sein d’établissements scolaires (écoles et collèges), l’organisation de manifestations culturelles gratuites mettant en scène les arts pratiqués à l’école, le prêt d’instruments et la mise à disposition de salles de répétition. La période actuelle est très compliquée pour le secteur artistique, notamment le spectacle vivant. Augmenter l’offre culturelle au sein des différents établissements scolaires ne peut être que bénéfique, ouvrir des horizons et créer des vocations. Un département adulte doit aussi être ouvert dans tous les conservatoires.
Dans les domaines artistiques où les écoles sont principalement associatives et/ou privées, un chèque “pratique artistique” basé sur le quotient familial doit être créé.
Pour coordonner l’ensemble des acteurs et engager les collectivités territoriales vers plus d’EAC et un soutien plus durable aux pratiques amateures, les artistes et les structures socio-culturelles doivent être incluses dans les contrats de ville, au même titre que les autres champs d’activités. Cette démarche intégrée dans un objectif d’amélioration des conditions de vie des habitant·es et de la cohésion sociale permettra d’ancrer les projets sur le long terme, en s’appuyant sur les temps périscolaires et en sortant d’une politique d’appel à projets à répétition.
De manière générale, les rencontres entre professionnel·les et amateurs doivent être favorisées au sein des équipements culturels et à travers différents dispositifs de médiation s’adressant à tous les âges de la vie. Pour les jeunes, des activités détournant par exemple les potentialités technologiques des smartphones à des fins artistiques peuvent servir de porte d’entrée vers un parcours artistique. Les études soulignent souvent la passivité de ces “digital natives” devant les outils numériques lorsqu’il ne s’agit pas d’usages ludiques, de divertissement ou de sociabilité via les réseaux sociaux.
A ce titre, il paraît utile d’envisager un service civique artistique destiné aux interventions en milieu scolaire, dans l’espace public, etc., et qui serait “mentoré” par des artistes professionnels, facilitant ainsi l’insertion professionnelle des jeunes qui souhaitent s’engager vers des métiers d’artistes.
RESSOURCES
“50 ans de pratiques culturelles”, étude coordonnée par Loup Wolf pour le ministère de la Culture
La fracture numérique n’épargne pas les jeunes
Rémunération – amateurs et professionnels
Fonds d’encouragement aux initiatives artistiques et culturelles des amateurs