Convention Nationale culture(s) – 27 octobre 2019 – Paris
Atelier rencontre avec les professionnels
14 personnes
Modération : Pascale Bonniel-Chalier
Barbara Métais-Chastanier : autrice, enseignante, accompagnement de metteurs en scène. Autrice de la tribune « La culture comme pétrole » Libération, ici : la culture comme pétrole
Pourquoi j’ai écrit cette tribune ? C’était un contexte, un petit côté « coup de gueule » Je l’ai pas écrite pour cibler Avignon, mais c’est des questions qui se posaient à moi et qui m’habitent depuis 2008, ou j’ai écrit une pièce déjà inspirée par le rapport du GIEC
La compagnie « interstices », au CDN 13 vents à Montpellier : on a travaillé sur les utopies concrètes, très inspirées par Charles Fourrier, qui à mon avis fait bien l’articulation entre l’individu et le collectif.
Pendant 4 ans on a travaillé en Lozère sur une enquête documentaire, en travaillant sur des grands territoires pour préparer un spectacle « Nous qui habitons vos ruines » J’aime bien sortir l’écriture de sa chambre pour la faire se confronter au réel.
On a passé beaucoup de temps à échanger mais aussi à ramasser des châtaignes et des champignons, et ça fait partie de l’enquête pour moi.
Des néo-ruraux. Des surdiplômés précaires. Qu’est-ce que faire théâtre avec cette perspective. Le théâtre interroge et agite et active de façon sensible le scandale du monde. A la Croisée du symbolique et du sensible. Interrogeons l’homo humanicus : récit de l’étranger comme Thomas More.
Les arts et la culture sont à la croisée des chemins, entre le sensible et le réel et il faut faire circuler entre les deux. Dans cette enquête on a rencontré beaucoup de gens, y compris ceux qui ont quitté la ville, et cela a permis d’avoir beaucoup de matière . Et du coup quelle question ça posait au théâtre, ce départ de la ville ? Les arts vivants et la pratique théâtrale. Cela donne une part agissante au scandale du monde.
Au bout de deux ans on s’est rendu compte qu’on habitait en ville, qu’on était tous en résonnance cognitive mais qu’on avait une vie très différente de celle dont on rêvait.
« Nous qui habitons vos ruines » : vraiment prendre au sérieux les limites de ceux qui ont inventé ces lieux comme les villes urbaines.
Le deuxième projet était une science-fiction et je me sentais incapable de faire cela, une science fiction : mais si on se met dans un contexte de mise en crise, qu’est-ce qu’on fait ? Science-fiction proche, en fait, penser 2019/2047.
Mise en crise de la pensée moderniste, du progrès, interroger le modèle urbain sur les années 2019 – 47. Comment on documente le futur ? Imaginaires du futur. Collapsologie, au fond la question est « De quoi hier sera fait », et c’est devenu le titre de la pièce ?
Je suis donc parti en enquête entre futur, ville et fiction. Je suis donc forcément tombé sur la collapsologie.
J’étais donc en train d’écrire cette pièce et c’est en voyant partir mes copain à Avignon, que je me suis dit « je ne comprends plus ce qu’on va faire là bas ». C’est dans ce contexte que j’ai écrit cette tribune.
Territoire fascinant de la Corrèze. Cycle de rencontres à la Scène Tulle Brive. Penser le monde et pas seulement le dupliquer.
Contexte inquiétant : les artistes sont exposés à des effets d’injonction et des formes d’ingérence.
Critique du faste. Contexte de moralisation sous couvert de politique.
Quelle écologie ? qui prend au sérieux les questions de classes, de genre, de minorités… Ne pas être assigné.e. Tout repenser y compris les questions de la programmation : le modèle libéral. Le théâtre permanent, du matin au soir. Ateliers de transmission : travail de laboratoire. On peut aller loin dans les réinventions.
Je sens venir une logique de censure préventive. Timidité.
Cycle de réflexion en Corrèze avec cette phrase « change le monde il en a besoin », phrase de Brecht.
Je suis extrêmement sensible à la violence symbolique je me sens toujours aussi mal à l’aise avec le milieu du théâtre. Ca c’est mes questions, vos questions à vous les écologistes, sont bcp plus large. On est certes dans un contexte très inquiétant, et dans ce contexte là, je suis très vigilante sur la façon dont mes positions peuvent être instrumentalisées. Les artistes sont de plus en plus exposés aux injonctions, aux ingérences…. En écrivant la tribune : est-ce que je ne suis pas en train d’envoyer une balle à l’ennemi en faisant ma tribune ? je me suis vraiment posé la question.
Par exemple quand je critique le faste et la dépense somptuaire ça peut être utilisé. Mais on est aussi dans un contexte de moralisation…donc ça veut dire quoi ? qu’est ce qu’un bon contenu écologique …. ?
Enjeu d’éthique. Ne pas refiler « la patate chaude » aux artistes. Développer son pack Green « artiste soutenable » ça ce serait pas acceptable !
En fait on en parle comment ? c’est la question centrale. . Comment donc on échappe à l’ingérence, aux quotas d’écologie de féminisme etc… ? La réponse en fait est qu’il faut tout repenser, il faut reréfléchir l’ensemble des choses.
Au côté de Gwenael Morin, et le Théâtre Permanent d’Aubervilliers, qu’est ce que c’est, du coup, faire théâtre ? C’est quoi faire du théâtre tout le temps, faire du laboratoire à ciel ouvert… ? c’est pas forcément ce qu’il faut faire mais c’est une façon de repenser les choses, à mon avis.
2014 a laissé des traces il y a des censures préalables, on est dans un rapport de timidité ou d’intériorisation du contexte de réduction de l’espace des artistes
Moi le fait de se mettre en enquête ça m’a fait poser la question sur l’enquête… Il y a un enjeu d’éthique mais on ne peut pas s’en tenir à ça.
Notre envie c’est de faire des échanges c’est peut être à vous de faire l’enquête, mais quelle forme ça doit prendre ? Est-ce que ça fait une base entre les artistes et vous ?
A quel monde j’ouvre et je participe ? Prenons le temps « t’as fait ça voilà ce que cette œuvre propose »,
Des Etats généraux ? prendre du temps pour discuter autour de cela. Quel est le rôle de l‘art sur une planète abimée. Qu’est-ce que l’on se souhaite à nous mêmes ?
« Le révolutionnaire se dit : à chaque idée que l’on te présente qui sers tu ? » Brecht
Quelle est l’expérience que tu fais ? il y’a des œuvres qu’on adore mais quand on analyse c’est dur : si on supprimait de notre univers culturel tout ce qui est homophobe, antiféministe, libéral et réactionnaire, on ne lirait et on ne verrait plus grand-chose et on mettrait au panier l’essentiel des œuvres les plus importantes.
Antoine Cojard, réseau Traces (réseau de réflexion et d’action sur la culture scientifique) https://www.groupe-traces.fr/
Pour moi ce qui a présidé à ce que j’ai essayé de développer ç’est un constat « Pourquoi il n’y a pas de lien entre le monde de l’art et celui de la recherche, du scientifique et du technologique. » ?
Et donc inévitablement les questions centrales vont se poser : Par exemple, quand un ingénieur du CEA ou CNRS, fait une recherche, son rapport au vivant va s’émousser. Ou on va s’apercevoir que les modes de culture ou d’agriculture ne sont qu’une façon d’aménager l’espace de la croute terrestre. Donc ça veut dire avoir un autre rapport à la vie, c’est pour ça que réfléchir au monde du vivant traverse ces deux choses, culture et science. C’est pas à penser entre un labo et un artiste, mais plutôt comme objet de recherche en liaison avec les autres personnes, avec des tiers.
Par exemple, il faut un moment de rencontre avec le public. On ne sait pas, quand ou comment au début du projet, mais il faut qu’il y ait ce retour dans tout projet. On reviendrait sans cela aux formes d’avant-garde ou la science n’est plus au côté et en face du public, et cela peut conduire à des catastrophes. Il faut qu’il y ait un espace de connexion, pas de médiation. La relation Arts sciences se pense aussi en relation avec la population. Espaces de connexion entre l’œuvre et des publics.
Quand Ezra (beatboxer et DA de la Cie Organic Orchestra) cherche à avoir un gant qui lui permet de tout piloter sur un plateau de spectacle, ce sont des technologies pointues, qui pourtant vont générer de la poésie, qui s’adresse à tout le monde. Comment toutes ces étapes se superposent entre recherche, technique, artiste, public….
Même les plus grands réseaux scientifiques se sont rendus compte que cette relation est indispensable. Même s’ils n’ont pas cette conviction de relation avec l’art, ou avec le public, ils vont le faire quand même, mais sans se rendre compte et sans réfléchir à ce qu’ils font.
Pourquoi « art et science » ? : c’est pour moi une lutte contre les superstitions, on ne peut pas construire un avenir si les citoyens ne sont pas au courant des questions scientifiques. Le monde culturel français s’est coupé de la relation au technique, on a complétement oublié ce qui est en train de se dérouler.
Pendant 20 ans il y a lutte entre la socio-culture et l’art pour l’art, pendant qu’on faisait cette guerre, google, facebook apple et Amazone, sont venus proposer une forme de culture qui a supplanté ces deux cultures. Et ce n’est pas que le milieu artistique, c’est carrément des pays et des continents qui courent derrière et sbissent une forme d’invasion et de colonisation de leurs cultures. Ce qui s’est joué dans l’imaginaire des dirigeants était complètement à côté de la problématique, et ils n’ont pas vu tout cela arriver et ne nous ont pas prémunis. On a mené des guerres picrocholines, on ne s’est pas préapré, et aujourd’hui on gère le résultat. Il faut donc se prémunir sur ce qui est en train maintenant de se passer : c’est en ce sens que public, art, science doivent se connecter..
Par exmple la 5G est développée partout. Mais outre la question sanitaire, ce sont les chinois qui le développe en Europe, et donc on ne sait pas ce qui va véhiculer notre culture et quelle maitrise on aura de tout cela. Quelle réponse formulons nous aujourd’hui à tout cela : voilà la question.
Si on ne met pas des artistes et des citoyens dans la réflexion sur tout cela on ne fera pas entrer l’imaginaire dans la problématique et, sans cette imaginaire, on arrivera pas à s’en défendre.
L’approche légère des artistes, peut aider les scientifiques à aborder la recherche d’une nouvelle façon. On contrôle pas on essaye de contaminer.
Le réseau Traces est né de la tentative de comprendre comment il pouvait se construire dans l’interstice entre arts et sciences une idée de l’avenir. Dés qu’il y a ce contact science et artiste et avec l’éducation ou les services sociaux ça a fait exploser nos territoires assignés, ça nous a fait changer la façon de voir le monde, y compris dans nos relations avec l’industrie.
Il y’a un endroit ou on arrive pas à entrer c’est le milieu des politiques publiques. Peut-être une recommandation pourrait être de mettre un artiste, des artistes, des collectifs d’artistes, au contact de la politique publique. On peut renouveler la politique publique comme cela. Revendication possible des milieux de la culture : mettre des artistes au contact des processus de décision.
Une autre entrée qui pour nous est importante : la question de la laïcité technologique, ou certains usages de la technologie amènent des rapports quasi religieux, en tout cas relatifs à la croyance. Il faut développer une approche laïque de la technologie. Une approche laïque de la technique.
Les gafam construisent un imaginaire des technologies. Aujourd’hui les entreprises font la philosophie, comme Elon Musk… Alors qu’il ne faut absolument pas laisser la philosophie entre les mains des entreprises. Elon Musk, il dessine l’homme du futur, avec de la technologie, si on n’y prend garde, il imposera sa vison de l’homme
Quand va t on faire le rééquilibrage entre Paris et les régions en matière budgétaire, alors même qu’à nouveau la « Cité du Théâtre » et ses conséquences vont coûter 100 ou 200 millions d’€, à nouveau, après la Philarmonie !
La contamination de l’ultra libéral de l’Europe jusqu’au moindre petit village, de l’appel à projet. L’appel à projet, ca ne fabrique pas du terreau, c’est de la culture productiviste.. On a supprimé les acteurs de terrain, les permanents sur les territoires
Enfin, comment on met en place des fonctionnements qui nous évitent de nous retrouver face à ce mur, ou à cette croyance de mur que représente l’effondrement.
L’europe n’a pas d’antenne, elle est aveugle, sourde, muette, elle fait du projet. Si les collectivités s’engagent sur ce chemin, ne finiront elles pas pareil ?
Patricia Koler, UFISC (Union fédérale des structures culturelle) (représente 2000 structures développant des projets artistiques et culturels qui conjuguent une pluralité d’activités : création et diffusion de spectacles ou d’événements, action culturelle sur un territoire en relation directe avec les populations, création par l’artistique d’un espace public et citoyen, transmission d’un savoir-faire et soutien au développement de la pratique amateur.)http://www.ufisc.org/l-ufisc.html
La question de l’appel à projet elle est partout et on est passé du domaine de la démarche citoyenne, à un renversement des imaginaires : la sphère concurrentielle s’impose en lieu et place de l’intérêt général, de la non lucrativité …. Et de plus en plus on est passé du coté de l’entreprise, et aujourd’hui le champ de l’entrepreneurial et le concurrentiel est passé devant.
On s’est mobilisé là dessus nous a l’ufisc : aller contre la réglementation européenne, en faisant du pluri-annuel, il y a de ce point de vue une question du droit, du cadre normatif, mais il y a quelque chose à co-construire pour essayer d’éviter d’être dans la commande publique et l’appel à projet.
Il y a déjà des processus de coopération, des groupements d’entreprises solidaires qui sont des endroits ou se construisent des diagnostics et de la mise en commun. Or, on a du mal dans le monde public on a du mal à reconnaitre le collectif, parce qu’il y a des incertitudes, des choses malheureuses, des difficultés à identifier les personnes.
On a du mal à sortir des projets individuels dans les politiques publiques. Reconnaître le collectif, par exemple.
Comment remettre l’enjeu culturel dans la réflexion. Notamment les Droits culturels. Dialogue de la diversité culturelle. Rebours de l’accès à la culture : comment chaque personne peut participer à la vie culturelle. Lutter contre la standardisation culturelle.
Logique primordiale : droits de l’Homme. Ambition de paix. Respect de la dignité des personnes.
Or donc l’Ufisc :
J’en suis déléguée générale, c’est un réseau de réseaux, avec un cœur très spectacle vivant, les musiques, le jazz, la marionnette et aussi des labels et des radios, des réflexions qui se croisent dans le champ du livre.
On est né autour de la question de la fiscalité sur les non-lucratifs. On est né sur la question de l’économie en même temps que sur la question culturelle. Une des questions est sur la relation entre l’imaginaire et l’enjeu culturel. Un enjeu le plus souvent oublié, notamment au sens des droits culturels. Comment on réfléchit sur la diversité culturelle, une identité qui s’enrichit de la diversité des autres et comment on réfléchit au public. Comment chaque personne peut participer à la vie culturelle.
Comment on accompagne de nouvelles pratiques ? Les Cies itinérantes, espace public et art de la rue, lieux intermédiaires, …
La tentation d’inscrire ces éléments dans des dispositifs qui réduisent les capacités et les multitudes de modes de faire. Ne pas être dans des logiques d’outillage au lieu des enjeux.
Venir perturber l’imaginaire de l’entreprise, du travail, redire que le processus compte plus que le résultat.
On est face à des propositions de normativité culturelle, il faut faire émerger une capacité d’accès à la diversité.
Ce qui nous guide c’est les droits de l’homme et la paix, donc le respect de la dignité et des droits humains. Ca nous oblige à repenser la manière dont …on pense. Comment elle contrebalance les autres formes ou les autres logiques, qu’elle soient descendantes, avec les logiques d’expertise ou montantes avc les revendications d’identité. En partant de la capacité des personnes à être eux-mêmes : reconnaître les savoir faire.Il faut que les personnes viennent dans ce sens là.
Il nous semble qu’il y a une aspiration à participer à la vie culturelle. Les associations culturelle sont très présentes dans nos sociétés, les associations artistiques et culturelles sont de plus en plus nombreuses de 50000 à 300000 aujourd’hui associations culturelles d’après nos décomptes
On pourrait parler du nomadisme, des lieux intermédiaires, de l’itinérance, des arts de la rue, etc…. Par rapport à ce que je disais tout à l’heure c’est la tentation d’inscrire très souvent une méthode à la place d’une réflexion… il y a des centaines de façon de faire , mais il ne faut pas mettre en place des outils, des recettes en disant que c’est celle-là la bonne.
Le processus compte parfois plus que le résultat final…. C’est la manière dont l’artiste vient perturber l’habitus et le mode de faire qui est crucial.
C’est aussi aux personnes de s’approprier l’ensemble de la question : Les gens ne sont pas une chose seulement , ils sont : parents d’élèves, travailleurs, citoyens, jardiniers, touristes… Il faudrait les croiser dans toutes leurs activités et il faudrait pouvoir intervenir tout le temps. Il faut s’approprier les questions d’économie et de travail ….
Exemple du CNM. Souveraineté musicale ?? Qu’est ce que l’industrie musicale ? Penser la question musicale. Et pas d’enfermement dans les logiques corporatistes.
Espaces de co-working ??
Les acteurs indépendants du numérique. Le « libre ». Lutte contre illettrisme numérique. Enjeu de mise en relation, notamment sur la coopération intercommunale. Ne pas penser de manière descendante. Comment re-légitimer des interventions citoyennes ?