Le sénat a débattu, mardi 26 mars 2013, du « rayonnement culturel de la France à l’étranger ». Marie Blandin y a porté la parole pour le groupe écologiste.
Retrouvez l’intégralité du débat (y compris les réponses de Laurent Fabius, Ministre des affaires étrangères) ICI et ci-dessous l’intervention de Marie Blandin.
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Si la compétition est une réalité dans le monde actuel, la culture mérite mieux que l’exacerbation des rivalités. Même avec des moyens modestes, et particulièrement avec des moyens modestes, c’est la qualité des liens tissés qui importe.
Riche, de par son histoire, en ressources, compétences et institutions en charge de l’action extérieure, la France doit veiller à ne pas faire montre de supériorité face aux autres pays, qui ont bien compris l’importance de la diplomatie culturelle et de la sobriété de ton dans le monde d’aujourd’hui.
Une grande attention doit être portée à ce que nos opérateurs ou représentants ne se fassent pas de concurrence déconcertante sur le terrain.
La réforme de la précédente mandature a donné la main au Quai d’Orsay, qui a ses propres stratégies et qui s’inscrit dans des conflits mondiaux auxquels la France a décidé de prendre part. Mais la culture est un dialogue permanent entre les peuples, qui ne s’arrête ni aux frontières, ni aux conflits, dans lesquels elle doit rester le fil ténu qui permet encore de s’entendre et de faire résonner les atouts de la diversité culturelle.
Le rayonnement ne se décrète pas ; il s’apprécie a posteriori dans l’estime que nous gagnons chaque fois que nous ouvrons des espaces de formation, que nous faisons se rencontrer des artistes ou circuler des œuvres, dans les deux sens, bien sûr, ou chaque fois que des équipes mixtes de recherche travaillent pour répondre à de vrais besoins et partagent la signature de publications.
L’impératif de maîtrise des finances publiques ne doit pas nous faire perdre de vue que l’action culturelle extérieure de la France doit être appréhendée comme un investissement d’avenir. Nous sommes attendus sur la formation des formateurs en enseignement artistique, sur la francophonie et les échanges de professeurs et d’étudiants, sur les meilleures méthodes d’aide au cinéma, à l’édition, à la protection des droits des artistes, à la gestion du patrimoine…
Nous avons à apprendre et à nous émerveiller des cultures à découvrir.
Nous navrons nos amis quand, au nom de la prévention de l’immigration clandestine, nous bloquons aux frontières le violoniste du sextuor à cordes, les percussionnistes africains du festival de Bidon, un jeune chercheur en informatique qui sera accueilli à bras ouverts chez Apple. Et l’incompréhension est totale quand notre consulat de Yaoundé ne délivre pas de visa à la déléguée africaine de l’école Freinet, l’empêchant de participer au congrès mondial de cette institution, malgré son billet de retour payé, malgré son hébergement assuré, malgré l’invitation montrée et malgré les interventions de plusieurs parlementaires.
Tout cela, c’était avant 2012. Les écologistes attendent le changement et les preuves de ce changement…
Nous sommes convaincus que la réciprocité est davantage porteuse d’espoirs de retombées d’échanges plus marchands et durables que la simple volonté offensive de rayonnement motivée par la seule envie de conquérir de nouveaux marchés.
Malheureusement, les missions culturelles du ministère des affaires étrangères ont souffert d’une baisse significative de leurs crédits.
Si nous voulons repenser notre politique de coopération culturelle en sortant des vieux schémas hérités de la période postcoloniale, la culture ne doit pas être la « cerise sur le gâteau » de notre politique de développement.
Dans un monde en tension, la coopération culturelle constitue un moyen de prévention des conflits. Sans culture, pas de paix ; sans paix, pas de développement possible. Je pense donc que l’Agence française de développement gagnerait à soutenir de tels projets.
De retour d’un déplacement au Vietnam avec une délégation de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, j’ai noté que le financement de la saison croisée était assuré pour plus d’un tiers par des entreprises. De fait, l’attaché d’ambassade en charge des questions économiques gérait davantage ce dossier que le conseiller culturel. Le mécénat ne saurait dissimuler un désengagement financier de l’État. Il ne s’agirait pas d’un bon signal envoyé à nos partenaires
Savez-vous que l’École française d’Extrême-Orient ne compte plus qu’un seul chercheur en poste à Hanoï, contre trois auparavant ?
Toujours en matière de recherche, alors que l’Europe nous emmène vers une mutualisation de nos outils de coopération, notre Agence nationale de recherche ne finance pas les projets montés en collaboration avec des équipes étrangères. N’est-ce pas contradictoire ?
Pour éviter de vous dresser un tableau trop noir, je tiens néanmoins à saluer l’excellent modèle que constitue le laboratoire de recherche consacré à la génomique du riz, partenariat exemplaire de chercheurs français et vietnamiens, avec de jeunes étudiants, sur un sujet essentiel pour l’avenir et la sécurité alimentaire du Vietnam, et cela sans OGM ni brevets confiscatoires.
Je suis en revanche toujours déçue du peu d’importance accordée par l’État à l’action de nos collectivités territoriales, parfois réduites au simple statut de co-financeur, alors qu’elles savent souvent tisser des liens plus étroits dans la durée.
Enfin, je souhaite que la France fasse vivre partout la convention de l’UNESCO relative à la diversité culturelle. Ce texte de référence doit s’appliquer dans toutes ses dimensions et inspirer de multiples chantiers auxquels nous pourrons participer grâce à des coproductions et à une diffusion de qualité, en lien avec nos partenaires et dans le respect de leurs attentes.