La politique culturelle sera dansante ou ne sera pas.
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Une politique culturelle aussi  vivante que les spectacles.

 
 

De la cohérence à la danse.

Qu’est ce que la cohérence ? C’est un état d’équilibre où les polarités s’harmonisent sans créer une dualité. La dualité est intrinsèquement prédatrice car elle est en carence d’une complémentarité qui lui permettrait d’accéder à sa globalité. Cette globalité, cette intégrité, les scientifiques la nomment homéostasie et les spirituels, paix intérieure.

Dans le monde de la dualité, l’autre est logiquement une menace car ou bien nous  supposons qu’il possède ce que l’on a pas et nous souffrons de notre manque, ou bien, et c’est l’envers de la même médaille, nous  redoutons qu’il nous prenne ce que nous avons et nous avons peur de manquer. Ainsi de carence en disette, notre frère humain devient inéluctablement un danger puis un ennemi et nous ne consentons de rapport à lui que dans le cadre aussi protecteur que rigide d’un tout sécuritaire ou la  méfiance peut hélas se  réclamer de  la « Nature Humaine », car bien sûr, dans le monde de la dualité, l’homme est un loup pour l’homme.

(Remarquons au passage que jamais aucun loup n’a manifesté la moindre similitude avec l’homme au point que l’on puisse affirmer  que le Loup puisse être un homme pour le Loup  (ce qui à mon sens serait une insulte pour le loup) donc le terme de Nature Humaine est un oxymoron manifeste : La nature est ! Elle ne peut inclure ce qu’elle n’est pas, si l’homme est de la Nature, il ne peut en lui seul constituer une Nature séparée de la Nature.)

Mais quittons les loups pour revenir à nos moutons.

 

La Valeur

Il nous faut donc transmuter les dualités en polarités constructives et vivantes. Ce chemin, de l’ordre d’une véritable transsubstantiation, se trouve sur la carte IGN de la Cohérence.

La cohérence c’est ce qui accorde nos valeurs (étymologie : Valeo, je me porte bien, je suis en bonne santé) à  notre complexion (le corps) et s’harmonise  à  notre façon de vivre .

Or qu’est ce que l’existence (ex-sistence) si ce n’est l’extériorisation de  nos pensées, nos rêves mais aussi nos peurs, nos angoisses ? Et si nos esprits sont encrassés ils matérialiseront nécessairement le cambouis qui les englue. Ici réside la source même de toutes les formes de  pollution.

 

Et l’énergie

Dès que nos pensées trouvent l’énergie suffisante pour s’accorder avec nos affects, nos besoins et nos valeurs, elles s’incarnent et s’extériorisent harmonieusement et joyeusement. Elles deviennent puissances créatrices et fertilisantes car la joie (pour citer mon ami Baruch Spinoza ) est « puissance d’être et d’agir« . Les pensées-idées deviennent pleines et responsables car elles ne sont plus atrophiées par la peur et l’insécurité.  Ces idées ou concepts issus de nos cohérences, nourrissent à leur tour leur entourage, produisent l’énergie dont les autres ont besoin pour trouver leur propre cohérence, et ainsi de suite… et voilà la roue du moulin créatif  remise en mouvement.

Il me semble que la culture agit précisément à cet endroit de l’intime où s’élaborent les idées et concepts avant de s’envoler vers cet extérieur de nous-mêmes que nous nommons réalité. Cette réalité, que nous estimons objective, ne rend compte que de nos croyances et déploie en trois, quatre ou cinq dimensions,  un monde que nous supposons partagé par tous. Or Il n’en est rien car rien n’est plus intime et personnel que « le monde »

 

Vivre ensemble c’est tout d’abord voir cela.

Cela se passe en amont du respect et de la tentative de comprendre l’autre, cela se passe à la source, en soi-même et à l’endroit précis où, prenant conscience de mon ex-sistence, je réalise la puissance projective que je baptise « le monde ».

L’autre est au-delà de mon monde, l’autre est au-delà de mon idée de l’autre. L’autre je n’en saurai jamais rien. Comme dirait mon copain Levinas, «rien n’est plus étrange, ni plus étranger que l’autre. Il est l’inconnaissable, la compréhension d’autrui est inséparable de son invocation ».

Cet autre,tout à la fois inatteignable et inévitablement proche, cet autre que je fuis à la mesure de ma dépendance et dont la confrontation m’anime ou me tourmente, cet autre qui semble parfois tenir dans ses mains le fil de ma vie, cet autre, Je peux cependant réellement l’approcher si j’écoute attentivement mes propres polyphonies intérieures, mes diversités profondes et l’intuition qui me chuchote  comme à  Rimbaud : « je est un autre ».

Si l’altérité de l’autre est insaisissable, je peux du moins tenter d’appréhender la mienne…voilà une nouvelle qui fleure bon la liberté en herbe  !

 

Mais comment cultiver cette graine d’émancipation ?

Nous nous devons de  retourner notre terre intérieure avec des outils propre  à en respecter le fragile éco-système. Nous élaborerons ainsi une maison (étymologie de éco : grec oikia, oikos, la maison) véritablement éco-logique : un habitat sain où l’ego sera à nouveau relié à son essence c’est à dire à cette substance universelle qui seule peut tricoter le lien à l’autre.

En effet si chaque ego est la marque phénoménologique de mon histoire et de ma particularité – et en cela le contour  inaliénable de mon incarnation – l’essence quant à elle, est le terreau commun où germe l’Humanité.

Si de l’autre je ne peux rien saisir qui ne soit le miroir de mes propres expériences, je peux du moins choisir de m’y relier à partir de ce terreau originel. A cet endroit la différence n’effraie plus, elle stimule : si et parce que je reconnais en moi la source d’un ego souple et  mutable, celui de mon voisin ne risque plus de figer le mien dans une implacable et morose fatalité.

Dés lors le processus culturel se doit de s’aligner et de se mettre en cohérence car, on voit bien, sinon, qu’il ne peut proposer que des nourritures toxiques à nos esprits affamés. Une culture toxique c’est une culture qui divise et ne crée dans sa mise en oeuvre que jalousie et frustration.

Cette culture là, favorise la dissociation et fait passer la reconnaissance extérieure, c’est à dire le désir  de succès (voire de célébrité),  avant l’estime de soi qui émerge du pur plaisir de la créativité et de l’élaboration.

Or on voit bien que l’extérieur (l’autre fantasmé) ne peut jamais rien reconnaître que son propre fantôme, il devient donc évident qu’il n’existe d’autre succès que la capacité de se mettre en lien à partir de sa propre cohérence et de son corrélat : la puissance créative, autrement dit, l’accordage au vivant.

 

Dès lors, la relation devient plus une danse avec l’autre qu’une proposition rigide.

C’est précisément cela que l’acteur culturel doit apprendre : danser avec le public, danser avec les collectivités territoriales. Point de meneur, plus de dualité, chacun se glisse dans un mouvement commun, juste une respiration entre plusieurs individus qui ondulent joyeusement dans la même pulsation…

 

La politique culturelle sera dansante ou ne sera pas.

Adèle Côte, 12 mai 2010.